Le déficit fonctionnel permanent devient indemnisable dans le cadre d’un accident du travail avec faute inexcusable de l’employeur à la suite d’un revirement de jurisprudence.
20 Janvier 2023 :
Alors que jusque ce revirement, la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle n’avait le droit de demander à son employeur qui a commis une faute inexcusable, devant le Pôle social du Tribunal, qu’un nombre limité de préjudices : les souffrances physiques et morales, ses préjudices esthétiques et d’agrément, sexuel, les adaptations de logement et de véhicule, du déficit fonctionnel temporaire, de la tierce personne temporaire ainsi que du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle (CSS, article L. 452-3).
La décision de la Cour de Cassation permet désormais d’indemniser le Déficit Fonctionnel Permanent, qui constitue un des postes les plus importants de l’indemnisation.
Par deux arrêts rendus le 20 janvier 2023 (Cass Plen 20 janvier 2023, n° 20-23.673 et 21-23.947), la Cour de Cassation opère un revirement de jurisprudence qui était attendu de longue date.
La rente versée par la Caisse de Sécurité Sociale aux victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle et qui est établie par rapport à leur salaire de référence et au taux d’incapacité permanente défini à l’article L 434-2 du Code de la Sécurité Sociale, ne répare pas le déficit fonctionnel permanent.
Ce faisant, la Cour de Cassation s’aligne sur la jurisprudence du Conseil d’Etat qui juge de façon constante que la rente AT vise uniquement à réparer les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle (pertes de gains professionnels et incidence professionnels de l’incapacité).
Ainsi désormais, les victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, conséquence de la faute inexcusable de l’employeur, pourront désormais obtenir une réparation complémentaire au titre de leur déficit fonctionnel permanent.
« Une victoire pour l’indemnisation des victimes d’accident du travail »
Maître Serge Beynet a participé à ce combat au service des victimes d’accidents du travail. Il précise les conséquences juridiques de la décision de la Cour de Cassation et les nouvelles étapes à franchir quant au statut de la tierce personne.
En droit français, les victimes d’infraction ont droit à une réparation intégrale de leur préjudice. Historiquement, dans le cas d’accidents du travail lorsqu’il y avait faute inexcusable de l’employeur, et donc une infraction, les victimes n’étaient pas indemnisées intégralement et se voyaient accorder une indemnisation forfaitaire dans laquelle les séquelles physiques et psychologiques (DFP) étaient considérées comme indemnisées par la majoration de la rente. Il s’agissait d’une injustice flagrante au regard du fait que l’infraction était la cause des souffrances et séquelles de la victime salariée.
Les avocats des victimes se sont révoltés contre cette situation et ont enfin triomphé : La décision de la cour de cassation précise que désormais « […] l’ensemble ces considérations conduit la cour à juger désormais que la rente ne répare pas le déficit fonctionnel permanent. » Dans le cadre d’un accident du travail le déficit fonctionnel permanent devient indemnisable s’il y a une faute inexcusable de l’employeur.
Cette décision est-elle rétroactive ?
De façon traditionnelle, la jurisprudence a un caractère déclaratif. Notre cabinet se charge dès à présent de demander l’application de cette nouvelle jurisprudence devant les juridictions pour toutes les situations passées en cours et futures.
Un combat pour l’indemnisation intégrale de l’aide humaine
La cour de cassation rapproche enfin l’indemnisation des victimes d’accident du travail en présence de faute inexcusable de l’employeur, de l’indemnisation des victimes d’accident médical, d’agression, d’infraction, d’accident de la circulation… pour lesquelles le principe de la réparation intégrale* des préjudices s’applique.
Cependant, le rapprochement n’est pas total. Il reste encore une marche importante à franchir : celle d’obtenir pour les victimes d’accidents du travail l’indemnisation intégrale de l’aide humaine.
*Principe de réparation intégrale : Traditionnellement la Cour de cassation applique ce principe aux victimes qui implique de replacer la victime dans la situation qui serait la sienne si l’événement dommageable ne s’était pas produit et cela sans perte ni profit pour la victime.
Du nouveau dans l’indemnisation des accidents de la route
Par ailleurs, les victimes d’accidents de la circulation dans le cadre d’un accident de trajet, ne verront plus la rente AT s’imputer sur l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent.