1re Civ., 16 mai 2018, n° 17-17.904
Pendant un entraînement de lutte, un jeu appelé « survivor » a été organisé par l’entraîneur du club. Le but pour les participants était de s’affronter successivement pour éliminer les adversaires un à un en les faisant tomber au sol. L’affrontement final opposait un lutteur expérimenté contre un néophyte. Ce dernier a subi une luxation rotatoire des vertèbres C3-C4 qui a provoqué une tétraplégie.
Une mesure d’expertise a permis d’établir l’extrême dangerosité de la saisie opérée avec traction et rotation de la tête de l’adversaire.
La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt en date du 20 février 2017, a considéré le club et la fédération française de lutte comme contractuellement responsables des dommages subis par la victime.
Elle a estimé qu’il revenait à l’entraîneur de lutte de faire preuve d’une vigilance particulière eu égard aux conditions de déroulement du jeu. Celui-ci ne pouvait ignorer que la dangereuse saisie réalisée avec traction et rotation de la tête de l’adversaire risquait d’entraîner des lésions cervicales graves et irréversibles, d’autant plus que le combattant victime était néophyte et n’avait pas la capacité d’adopter la réaction appropriée à l’action de son adversaire.
Selon la Cour, il lui incombait d’agir face à la situation en ordonnant par exemple un arrêt immédiat du combat, l’entraîneur de lutte étant tenu d’une obligation de sécurité renforcée.
Le 16 mai 2018, la première chambre civile de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par le club, la fédération et leur assureur, et a confirmé avec force l’arrêt d’appel par deux attendus détaillés :
« Mais attendu, d’abord, qu’après avoir retenu que la lutte est un sport potentiellement dangereux rendant nécessaire la fixation de règles précises, notamment, l’interdiction d’actions sportives susceptibles de porter atteinte à la sécurité corporelle des lutteurs, et relevé qu’il existait, entre M. A… et M. X…, une différence de gabarit, 89 kilogrammes pour le premier et 65 kilogrammes pour le second, ainsi qu’une différence de niveau technique, l’un pratiquant la lutte depuis trois ans et demi au jour de l’accident et étant licencié en catégorie « senior compétiteur », et l’autre pratiquant la lutte depuis quatre mois et étant licencié en catégorie « junior compétiteur », la cour d’appel a énoncé, à bon droit, que l’entraîneur de lutte était soumis à une obligation contractuelle de sécurité de moyens renforcée ;
Attendu, ensuite, qu’ayant relevé que l’entraîneur ne pouvait ignorer, compte tenu de son expérience, que la saisie pratiquée par M. A… était porteuse d’un risque majeur de lésions cervicales graves et irréversibles, compte tenu, en outre, du caractère néophyte de M. X…, qui le privait de la capacité d’adopter la réaction appropriée à l’action de son adversaire, elle en a justement déduit, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, qu’en n’ayant pas empêché l’action de M. A… à l’origine du dommage corporel subi par M. X…, l’entraîneur avait manqué à son obligation de sécurité, engageant la responsabilité contractuelle de [du club] ; »
La victime de ce dramatique accident de sport bénéficiera d’une réparation intégrale de ses préjudices.